SEMENCE SEXÉE : « J'AI RECALÉ MES PRATIQUES POUR PROGRESSER »
Au Gaec de la Noue, 80 % des génisses et 50 % des vaches sont inséminées en semences sexées. Les taux de réussite en première IA, aujourd'hui de 70 et 56 %, n'ont pas toujours été aussi élevés. Un changement de pratiques est passé par là.
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LONGTEMPS BRIMÉE, LA RÉFÉRENCE LAITIÈRE DU GAEC DE LA NOUE a littéralement explosé à partir de 2008. De 198 000 litres en 2006 avec une attribution de 10 000 l seulement pour l'installation de Florent cette année-là, elle est passée à 716 000 l de lait en 2013. « Pour produire les volumes attribués brusquement à l'exploitation, nous manquions de femelles, explique Florent Cinquin, l'un des trois associés du Gaec familial. André, mon père, faisait beaucoup de croisements charolais. Sur le marché, nous ne trouvions pas les animaux de valeur génétique qui nous convenait. Qui plus est, le sex-ratio était mauvais (trois quarts de mâles pour un quart de femelles). Pour accélérer le développement du troupeau en limitant les risques sanitaires liés aux achats extérieurs, nous nous sommes tournés vers la semence sexée. La maîtrise des vêlages figurait également parmi nos objectifs : nous ne voulions pas abîmer des génisses au premier veau. »
Les premiers résultats des semences sexées ont été décevants. La première année, en 2010, avec sept génisses inséminées au printemps au pré, le taux de réussite en première IA s'est limité à 30 %. « Les animaux ne remplissaient pas. Au pré, nous arrivions avec les croquettes et nous ne voyions pas les chaleurs. La ration des génisses (herbe, foin et un peu de concentré) n'était pas suffisamment calée. »
Malgré ces difficultés, les éleveurs n'ont pas baissé les bras. Ils avaient trop besoin de femelles. « Nous avons commencé par rentrer les génisses un à deux mois avant de les inséminer. Avec une ration mieux calée, le taux de réussite à la première IA est monté à 70 % sur quinze génisses. Ces résultats nous ont incités à en faire toute l'année, en modifiant certaines de nos pratiques », poursuit-il.
« LE FLUSHING AGIT COMME UNE COUP DE FOUET »
Les génisses ne vont plus au pré avant d'être échographiées et leur alimentation a été revue. Jusqu'à un an, elles sont nourries avec du foin de prairie naturelle distribué à volonté et complété avec 3 kg de mash fermier (céréales et tourteaux à 18 % de protéines, minéraux, un peu de luzerne à brins longs). Logées ensuite sur un autre site à 800 m de distance du siège d'exploitation, les génisses reçoivent une base de la ration mélangée des vaches (deux tiers de maïs, un tiers d'herbe, un peu de foin de luzerne et de regain de prairie, céréales et tourteaux) à laquelle sont rajoutés du foin, de l'enrubanné et du minéral. Un mois avant l'insémination, les femelles sont vaccinées contre la BVD (maladie des muqueuses) et un flushing est réalisé avec 3 kg de mash fermier et 80 g de minéral supplémentaire. « Le flushing agit comme un coup de fouet », observe l'éleveur.
Les chaleurs sont surveillées de près et l'insémination se fait au bon moment. Florent y consacre beaucoup de son temps. « C'est une contrainte permanente en vêlages étalés. »
Alors que l'âge au premier vêlage était à 31 mois sur la dernière campagne, l'objectif est de revenir à 28 mois avec des IA réalisées à 450 kg.
« NOUS ATTENDONS QUE LES ANIMAUX AIENT REPRIS DE L'ÉTAT »
L'intervalle vêlage-première IA s'est établi à 116 jours en moyenne sur cette campagne 2013-2014. Il était à 100 jours la campagne précédente. « Nous n'inséminons pas sur les premières chaleurs une laitière qui fait plus de 40 kg de lait ou une génisse qui produit plus de 30 kg. Nous attendons que les animaux aient repris de l'état. »
Florent ne se préoccupe pas plus que ça de l'IVV (408 jours). « Tant qu'elle produit, une vache est rentable. Tarir une vache à 30 kg est difficile. »
Aujourd'hui, les semences sexées sont utilisées sur 80 % des génisses et sur la moitié des vaches. « Les meilleures en morphologie et en production, quel que soit leur âge, précise Florent. Nous ciblons les vaches les plus aptes à être inséminées avec succès, c'est-à-dire celles qui n'ont eu ni problème de délivrance ni métrite, et qui ont bien rempli l'année précédente. Nous écartons celles qui ont eu des jumeaux. Alors que sur les génisses, nous allons jusqu'à deux IA sexées, sur les vaches, nous nous limitons à une. Le retour se fait en IA conventionnelle. Sur les vaches, l'an passé, nous avons eu d'aussi bons résultats en inséminant avec des semences sexées qu'avec les semences conventionnelles (respectivement 56 et 57 % de taux de réussite à la première IA). En génisses, le taux de réussite à la première IA s'est établi à 70 %. »
Dans la réussite de la semence sexée, il y a aussi l'inséminateur. « Le nôtre, Michel Guilloux, de la coopérative Elva Novia, prend beaucoup de précautions, souligne Florent, satisfait de la qualité du service. Il pratique un massage des ovaires. Et si besoin, il repasse avant midi. Le planning d'accouplements, réactualisé à chaque sortie d'index, se fait avec lui et avec le technicien de l'OS Montbéliarde Pascal Quignard. En semences sexées, nous utilisons à 90 % des taureaux génomiques. En montbéliarde, nous avons la chance d'avoir un grand choix de taureaux. Nous utilisons 100 % du catalogue pour diversifier les origines au maximum et se prémunir de déceptions éventuelles. » En plus du lait, les éleveurs recherchent de la solidité dans les aplombs (un point important en système zéro pâturage et en bâtiment à logettes sur caillebotis) ainsi que de bonnes mamelles (indispensables avec des génisses qui démarrent à 35 kg). « Notre objectif est d'avoir des vaches qui produisent longtemps, qui remplissent du premier coup, qui fassent leur lactation sans problème. »
« NOUS AVONS GAGNÉ 5 POINTS D'ISU CHAQUE ANNÉE »
Au Gaec de la Noue, les associés sont satisfaits de l'évolution de la qualité du troupeau. Celui-ci affiche un niveau d'Isu de 120,2 alors que le troupeau n'est n'inscrit à l'OS Montbéliarde que depuis huit ans. « Nous avons progressé de 5 points d'Isu chaque année. En inséminant les vaches de qualité avec des semences sexées, nous nous sommes donné plus de chances d'avoir de bons produits, avec des vêlages qui se passent bien et des vaches qui font du lait. L'insémination sexée est un investissement. Mais élever coûte cher aussi. »
Aujourd'hui, l'élevage a assez de femelles de qualité pour répondre à ses besoins. Le renouvellement est là. Sur la quarantaine de femelles qui naissent chaque année, vingt-cinq sont conservées. Le reste est vendu en petites femelles, génisses prêtes ou vaches au lait.
ANNE BRÉHIER
« Sur les vaches, l'an passé, nous avons eu d'aussi bons résultats en inséminant avec des semences sexées qu'avec les semences conventionnelles », déclare Florent Cinquin.
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